Contrôle routier en civil

A la question "un gendarme peut-il me verbaliser en civil ?", la réponse est OUI.

La preuve par l'exemple, avec le récit d'une mission de police-route en civil avec le gradé de permanence de la Brigade Motorisée, qui est OPJ (Officier de Police Judiciaire).

Après une matinée de radar embarqué, on ne chôme pas : retour à la BMO pour préparer une après-midi de contrôle routier en civil.

Nous formons deux groupes :
  • le poste d'interception
    constitué de deux motards en uniforme : ce sont eux qui verbaliseront

  • le poste de contrôle
    constitué de deux militaires en civil : ce sont eux qui constateront l'infraction
Dans le véhicule banalisé, le gradé BMO (qui est OPJ) et moi-même serons le poste de contrôle.

Comme quatre yeux valent mieux que deux, ma mission en tant que réserviste sera simple : repérer les infractions et les désigner à l'OPJ pour qu'il prévienne le poste d'interception, et conforter par mon témoignage les constatations de l'OPJ.

Les contrevenants seront "cueillis" 200 mètres plus loin par les motards, prévenus du véhicule à intercepter et de l'infraction commise (feu rouge grillé, ceinture non attachée, téléphone portable au volant).

Bien entendu, je ne suis pas habilité à verbaliser en tant que réserviste. Mais ma présence permet à l'OPJ de repérer des infractions en toute certitude: "tu as vu la même chose que moi ? oui ! l'Audi a grillé le feu rouge ! ok, il est bon celui-là !".

Si l'OPJ est parfaitement habiliter à verbaliser seul, en tant que gendarme, ma présence en qualité de deuxième témoin de l'infraction renforce le procès-verbal pour parer à tout dénégation du contrevenant.

Voici précisément comment notre dispositif fonctionne :

le poste de contrôle (nous) dans un véhicule banalisé

et 200 mètres plus loin, dans le flot de la circulation :

le poste d'interception (les motards) en uniforme

Nous sommes parfaitement placés pour repérer les feux rouges grillés (4 points et 90 Euros) , les ceintures non attachées (3 points et 90 Euros) et les téléphones portables (2 points et 22 Euros).

Une infraction constatée ? Pas de temps à perdre ! Le premier de nous deux s'assure que l'autre a vu la même infraction.

- "La verte ! Téléphone portable !"
- "Je vois pas le combiné... elle se gratte l'oreille peut-être ?"
- "Là, elle vient de changer d'oreille, tu le vois ?"
- "Oui ! C'est bon pour elle !"

Ok ! On prévient tout de suite les motards par radio. Nous n'avons que quelques secondes pour agir...

- "La fiat Punto verte, portable au volant, la fiat Punto vert foncée, téléphone portable !"
..
et la réponse arrive par radio :
- "bien reçu je la vois".

Le véhicule est intercepté, le conducteur se range sur le côté, il sera immédiatement verbalisé. Retrait de 2 points et amende de 22 euros. Une petite sanction pour une infraction qui peut déboucher sur un accident, car téléphoner en voiture réduit le champ de vision et les réflexes.

Si tout se déroule bien, il ne faudra pas plus de 5 minutes au motard pour établir le PV et remettre le véhicule en circulation. Davantage si le conducteur discute, se montre peu coopératif, ou s'en prend au gendarme (ne jamais faire cela ! vous aggravez votre cas !).

Dès qu'un motard est occupé par un PV à établir, il n'est plus libre pour constater d'autres infractions. Il est donc très important que le conducteur soit rapidement libéré pour pouvoir verbaliser d'autres infractions.

- "Regarde ! Il a grillé le feu celui-là !", dis-je à l'OPJ.
- "Tant pis pour lui : mes hommes sont déjà occupés tous les deux, et on ne peut pas lire les plaques d'ici", me répond-il.

Dommage, le conducteur de la Mercedes restera impuni, pour cette fois-ci. Je ronge mon frein. J'avoue : je commence à prendre beaucoup de plaisir dans cette mission.

Un motard a fini de verbaliser, nous pouvons en envoyer un autre. Justement, quelqu'un se présente...

- "Le véhicule municipal ! Feu rouge !"

Nous avons vu un feu rouge incontestablement grillé par le conducteur d'un véhicule de la Mairie. Verbalisé, le conducteur s'étonne auprès des motards : "Mais vous étiez où ? Vous avez pas pu me voir ?".

Il tourne, repasse devant nous, ne nous voit pas, revoit les motards. "Mais où sont vos collègues ?".

Bien décidé, il retourne pour la troisième fois, nous découvre enfin dans notre véhicule banalisé (nous étions bien cachés). L'OPJ le gère : "on vous a vu, Monsieur, et nous on est deux, vous vous êtes seul...".

Penaud, le conducteur peut s'en aller : nous avons incontestablement sanctionné un feu rouge grillé de manière caractérisée, et nous n'avons pas accordé d'indulgence. Son employeur, la Mairie, n'en saura rien : le retrait de points et l'amende sera faite sur son permis, et aucun courrier ne sera adressé à l'employeur.

4 points... il suffit de trois infractions de ce genre pour perdre les 12 points de son permis.

L'attente paraît interminable, nous n'avons pas reçu le feu vert des motards pour reprendre les signalements. L'OPJ rappelle les motards par radio.

- "Contrôle à interception... Contrôle à interception... Parlez"

Pas de réponse. Damned. Tout se passait bien jusque là.
L'OPJ prend son téléphone portable et appelle les collègues.

Rapidement, nous comprenons que nous avons un problème de radio. Est-ce un faux contact dans l'alternateur ? Est-ce une zone d'ombre radio (mauvaise liaison du fait des bâtiments) ?

Nous sommes en tout cas fort ennuyés : nous avons repéré des infractions mais les conducteurs ont filé, nos appels radio n'ont pas été reçus.

Quand tout à coup, ce que nous n'avions pas prévu se produit : débarquant d'un parking situé à droite du feu rouge et de la voie de circulation que nous surveillons, un véhicule sort, hagard, et emprunte la voie à sens unique où nous nous trouvons.

Je reste incrédule.. et puis j'articule enfin :
- "Mais... il a pris un sens interdit lui !"

Le véhicule nous dépasse et se range derrière nous. Une aubaine ! Nous avons vu tous les deux le conducteur prendre un sens interdit et se garer juste derrière nous.

- "C'est bon", me fait l'OPJ, "tu restes là et tu notes la plaque."

L'OPJ sort, enfile son brassard gendarmerie et interpelle le conducteur, alors qu'il sort du véhicule avec les passagers. Il lui présente sa carte de gendarme (puisqu'il est en civil)

- "Vous, suivez-moi... Qu'est-ce que vous voyez là, comme panneau ?"
- "Ben ... un sens interdit."
- "Et oui, un sens interdit ! Allez, suivez-moi."

L'OPJ retourne au véhicule avec le jeune homme, lui demande ses papiers puis revient me voir à la voiture tandis que je l'entends prononcer :

- "... mon collègue va vous escorter jusqu'aux motards qui sont plus loin, vous allez être verbalisé. Vous le suivez à pied jusqu'aux motards".

J'enfile à mon tour mon brassard gendarmerie et je prends en compte le jeune homme que j'emmène à pied aux motards au poste de contrôle, j'ai ses papiers en main. Le jeune homme est ailleurs, je suis un peu triste pour lui, mais je ne vais pas pouvoir le sauver... je l'amène aux motards qui vont le verbaliser.

Je reviens à pied... C'est la loi des séries ! L'OPJ en a "coffré" un deuxième, celui-ci a également pris le sens interdit et roule sans permis ni ses papiers d'identité.

Il n'y a plus de place dans notre rue pour se garer, donc je l'escorte à nouveau auprès des motards, moi à pied et lui en voiture. Je l'amène aux motards et les préviens de l'infraction : sens interdit, ne peut présenter son permis ni ses papiers. Les motards ont sur place l'équipement nécessaire pour appeler le C.O.G et passer le véhicule au fichier.

Je reviens à pied... Les amis du deuxième conducteur sont déjà sur place avec ses papiers, nous les orientons donc vers les motards qui vont pouvoir établir le PV à son nom et vérifier que le véhicule lui appartient.

Vingt minutes de plus à attendre et nous avons un troisième sens interdit, pris cette fois-ci par une conductrice de 4x4 en marche arrière. Je n'en reviens pas. On ne peut pas dire que c'est notre présence qui affole les automobilistes : nous sommes en civil et dans une voiture banalisée !

Je demande à l'OPJ :
- "Un sens interdit pris à reculons, c'est le même tarif ?"
- "Et oui..."

Troisième interpellation, et je conduis cette dame jusqu'aux motards. Cette fois-ci, je dois interrompre le flot de circulation pour la laisser s'engager dans la circulation.

La radio a fini par remarcher et nous avons continué à signaler plusieurs infractions. Ce fut une journée plutôt bonne, et sur le retour aux bureaux de la brigade, nous avons même été témoins (et victimes !) d'un refus de priorité... L'OPJ freine en catastrophe pour ne pas percuter la conductrice... qui lui adresse un beau sourire !

Mais mon OPJ reste imperturbable. Pas de quartier !

Hop ! Allumage du gyrophare bleu, l'OPJ désigne la conductrice du doigt et lui dit de se garer.

- "Gendarmerie ! Je venais de votre droite. Ca s'appelle un refus de priorité..."
- "Hi hi hi hi !"
- "Ca vous fait rire Mademoiselle ?"

Les motards sont repartis et nous attendent aux bureaux de la BMO, ils ne sont donc plus là pour verbaliser. Qu'à cela ne tienne ! L'OPJ remonte dans le véhicule. Naturellement, j'ai noté la plaque, le lieu, l'heure, la date sur un petit papier et je lui remets le tout : il rédigera son PV tranquillement au bureau. Ce sera la cerise sur le gâteau.

Les motards rentrent, un peu usés après cette journée où la pluie fine qui s'est mise de la partie a rendu difficile l'écriture des procès-verbaux. Fin de service.

Un très agréable souvenir de ce premier service pour la BMO.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Bonjour,

deux remarques sur le récit sur la police route.

Si les effectifs en civil sont bien habilités à constater l'infraction, l'interpellation des contrevenants s'effectue TOUJOURS en véhicule (ou moto) sérigraphié(e) et en uniforme (il en va d'ailleurs de même pour les missions judiciaires, le véhicule banalisé et la tenue civile étant strictement réservés à la surveillance).

Par ailleurs, la photo du brassard "Gendarmerie" montre un brassard qui n'est pas réglementaire. Le brassard Gendarmerie étant blanc avec un barrement tricolore.

Dernière question : étiez-vous armés pour la mission ? Car dans le cas inverse, ton OPJ a pris un risque (certes mesuré) en allant vers le véhicule car on ne sait jamais sur qui ou quoi on peut tomber.

Reserviste a dit…

Merci pour votre commentaire.

1) La situation que vous décrivez est exactement celle qui a été mise en oeuvre. Nous, en civils pour constater. Les collègues, en uniforme, pour verbaliser.

2) J'en prends bonne note, mais j'ai travaillé avec ce que l'on m'a donné.

3) Je ne répondrai pas à cette question sur le blog pour des raisons évidentes de secret professionnel. Mais je répondrai que mon OPJ et moi-même avons travaillé dans le cadre légal de la règlementation en vigueur. Si vous êtes "de la maison", vous pouvez donc être tranquille, mon OPJ de BMO connaît bien son job.

Anonyme a dit…

SVP, ne laissez pas croire à des personnes mal intentionnées que vous pourriez ne pas être armés sur ce type de mission !!!

Reserviste a dit…

Bonjour Anonyme,

Mon OPJ était effectivement armé et son arme était apparente. Les conducteurs qui ont commis des infractions routières sous ses yeux ont immédiatement su à qui ils avaient affaire : l'OPJ leur a présenté sa carte professionnelle et était armé à la ceinture.

Quant à moi, je n'avais pas de carte à présenter, l'OPJ m'a confié quelques conducteurs à "escorter" à pied jusqu'aux collègues motards.

J'étais en civil, je portais le bandeau orange au bras que vous avez vu sur la photo, et j'avais des vêtements amples, sous lesquels nul ne pouvait distinguer si j'étais armé ou non.

L'OPJ n'a pas vu d'inconvénient à cette situation, qui laissait planer le doute : nul ne pouvait dire si j'étais armé ou non. Je prolonge donc son esprit de discrétion en ne révélant rien à ce sujet.

Qui êtes-vous ?