Radar embarqué : contrôle automatisé


J'ai rendez-vous ce matin à 08h00 à la Brigade Motorisée (BMO) pour un CA : Contrôle Automatisé.

Derrière ce sigle se cache un dispositif qui fait frémir tous les automobilistes : un véhicule banalisé avec un radar embarqué à l'intérieur.

La bête à l'arrière est un radar MESTA 1000. Bel engin qui fonctionne sur la batterie de la voiture et en liaison wi-fi permanente avec le terminal informatique embarqué (TIE).

Le terminal informatique embarqué est un ordinateur portable de bord sans clavier et très léger. Equipé d'un OS léger et d'un stylet, cet ordinateur nous affichera durant toute la durée de la mission les photos prises et les vitesses relevées. Moderne, efficace, redoutable et imparable.

J'embarque avec le gendarme d'active dans le véhicule et nous nous rendons sur une portion limitée à 70 km/h, une ligne droite le long d'une zone d'activité où les automobilistes ne respectent pas toujours la limitation et où des accidents ont déjà été constatés.

Nous sommes en uniforme dans la voiture banalisée. Nous sortons ouvrir le coffre, allumer le matériel et procéder aux réglages de la caméra : angle de vue, mesures. Le temps est gris et humide, la chaussée est trempée mais il ne pleut pas : il n'y aura pas de modification de la vitesse autorisée.

Nous effectuons à l'aide d'un mètre des mesures précises nous permettant de situer la distance de l'appareil par rapport à la chaussée, ainsi que le point de visée. Des directives précises à respecter permettent d'obtenir des mesures fiables et incontestables.

Une fois le terrain préparé, le cône posé et les repères pris (un travail qui ressemble à celui des géomètres experts !), nous rentrons dans le véhicule pour lancer le processus informatique qui viendra activer la mission.

Le gendarme d'active saisit son nom, le code de la mission qui comporte : le nom de la voie, l'emplacement de contrôle, la vitesse autorisée, le mode de fonctionnement du radar (en éloignement ou en rapprochement) et d'autres paramètres techniques.

L'appareil photo est étalonné sur le passage de quelques véhicules sans considération de leur vitesse. Une fois le cadrage bien effectué (plaque lisible et habitacle apparent), la mission peut commencer.

Il n'aura pas fallu plus de cinq secondes après l'activation de la mission pour qu'un automobiliste nous offre le record de vitesse de la matinée : celui-ci sera pris en faute à 114,9 km/h sur une portion limitée à 70, soit 44 km/h au-delà de la vitesse autorisée. Pour celui-là, l'application favorable d'une marge technique permettra de ne retenir que 39 km/h , soit 3 points en moins, une amende de 90, 135 ou 375 Euros selon la rapidité de paiement, et à 1 km/h près il évitera la rétention administrative de permis de conduire.

Est-ce le destin ? A cinq secondes près, il nous aurait échappé.

A peine ai-je le temps de regarder la photo et la plaque (très lisible) qu'immédiatement derrière lui, nous contrôlons à 86 Km/h un autre véhicule, visiblement tenté d'appuyer sur le champignon pour faire comme le précédent.

Cette fois-ci j'ai le temps de bien regarder la photo et la vitesse relevée : on voit la plaque, quasiment tout le véhicule, et la silhouette du conducteur derrière l'habitacle rendu légèrement opaque par la buée formé par le chauffage intérieur du véhicule contrôlé (je rappelle qu'il fait gris et froid, temps triste pour la saison). Cette photo sera parfaitement exploitable pour nos collègues de Rennes (centre de traitement des PV automatisés).

Ceci se vérifiera pendant toute la durée de la mission : les excès de vitesse se suivent de très près, le véhicule de derrière étant tenté d'aller aussi vite que le véhicule de devant.

De cette constatation, je tirerai la conclusion suivante : les gens qui vont trop vite sur la route encouragent les autres à faire de même, tels des moutons de Panurge. Ceci démontre bien que, qu'on le veuille ou non, ces contrôles automatisés sont nécessaires pour casser "l'esprit de groupe" si néfaste à l'automobiliste français, qui tend à conduire n'importe comment au motif que" les autres font pareil".

De même, nous avons vu passer des files clairsemées de véhicules roulant beaucoup moins vite que la vitesse autorisée : toute une série de véhicules circulant entre 50 et 60 km/h. Soit ils ont été avertis par des automobilistes en face, soit ils connaissent le coin et sont désormais prudents...

... mais notre objectif est bien le suivant : éduquer les automobilistes à rouler moins vite.

A la différence d'un contrôle réalisé par des gendarmes qui, pendant qu'ils s'occupent de quelqu'un, ne peuvent pas relever les autres infractions commises sous leurs yeux (voir à ce sujet ma page sur la police-route en civil), le contrôle automatisé ne laisse sa chance à personne : toutes les infractions sont relevées, qu'elles se suivent immédiatement ou qu'elles soient espacées.

Durant la mission j'aurai une agréable discussion avec le gendarme qui me fera remarquer que l'argent collecté par l'Etat dans le contexte du contrôle automatisé ne représente rien par rapport au coût pour la collectivité des accidents de la circulation et des secours nécessaires.

Un accident de la circulation est extrêmement coûteux à la société. C'est l'intervention d'équipes de secours (SAMU, pompiers, police et gendarmerie), des équipes médicales, à terme cela donne des passagers handicapés à charge de la sécurité sociale qui ne travailleront plus comme avant et ne contribuent plus à l'économie de la même manière. Donc, perte sèche pour la société, et des vies brisées.

Le gendarme m'explique que les comportements des automobilistes (et des citoyens en général) sont devenus très égoïstes et irresponsables au motif qu'il existe tellement de moyens d'assistance et de secours, que les gens sont tentés de faire n'importe quoi : skier hors piste, partir en randonnée sans chaussures appropriées, rouler n'importe comment, bref, risquer sa vie avec inconscience, en se reposant sur les secours, les assurances et les dispositifs d'aide.

C'est oublier que ces services ne peuvent pas multiplier leur capacité d'intervention à l'infini, et que quand ils sont occupés quelque part, ils ne peuvent plus aider quelqu'un d'autre ailleurs, qui mériterait peut-être davantage qu'on s'occupe de lui.

C'est oublier aussi que ces services, pourtant gratuits pour l'usager, coûtent extrêmement cher à la société, et que les agissements irresponsables et inconsidérés de certaines personnes constituent un coût exorbitant qui finit toujours par retomber sur le contribuable.

Au cours de cette discussion très pertinente avec le gendarme d'active, je n'ai eu aucun scrupule à regarder le visage des automobilistes pris en photo au volant de leur véhicule tandis que l'appareil flashait tout seul : les quelques dizaines d'euros d'amende qui leur seront infligés ne couvrent pas le coût des secours engagés pour réparer les actes de la bêtise humaine.

La fermeté des contrôles routiers est un bien nécessaire pour qu'il n'y ait plus de victimes de la route.

Au terme de notre contrôle, nous sortons avec une moyenne de 12 véhicules radarisés par heure, soit une infraction relevée toutes les 5 minutes. Pas si mal pour un Samedi matin par temps gris et avec peu de monde sur les routes !

Au retour à la BMO, le terminal informatique est connecté au réseau gendarmerie, et les photos accompagnées des détails techniques (date, heure, vitesse et circonstances) sont transmises à Rennes pour établissement des PV automatisés.

Je m'excuse pour les nombreux conducteurs anonymes qui ont été flashés ce matin sous mes yeux, mais, si pour vous cela constitue une sévérité particulière à votre égard, c'est pour votre bien collectif et pour le bien de tous.

Ou, en d'autres termes, il n'y aurait pas de gendarmes s'il n'y avait pas de contrevenants.

8 commentaires:

Anonyme a dit…

J'vois pas où vous faites un travail avec un but de faire ralentir les gens là. Si vous aviez été sur une portion avec un (ou plusieurs) passage piéton, avec votre Mesta 1000 qui ne "flash" pas lorsqu'il y a assez de lumière, le mec à 110 n'a sûrement pas vu votre radar et n'a sûrement pas ralenti. Il aurait donc pu écrasr tout ce qui passait APRES être passé devant vous. C'est strictement économique ce genre d'engin, ça ne tient pas compte de l'environnement dans lequel l'infraction a été commise, ça n'incite pas à ralentir ... quel pays ...

Reserviste a dit…

Réponse à Anonyme :


La prévention est une des missions de la gendarmerie, la répression aussi.

Un automobiliste flashé en dépassement de vitesse flagrant réfléchira à deux fois avant de rouler au-dessus des limitations de vitesse.

Chacun doit adapter sa vitesse, mais en tout état de cause jamais au-dessus des limitations de vitesse.

Vous pensez peut-être que le travail de la gendarmerie consiste uniquement à faire ralentir les gens par leur présence.

Contrairement à ce que vous pensez, les radars n'ont pas été inventés pour récupérer de l'argent mais pour changer les comportements, car en s'attaquant au portemonnaie, les mentalités évoluent.

C'est regrettable d'en arriver là, mais s'il n'y avait pas d'infractions, il n'y aurait pas de gendarmes.

En dernier lieu, les recettes des radars automatiques sont loin de suffire à financer les dépenses liées aux accidents de la circulation : arrêts de travail, soins médicaux, matériel et personnel hospitalier, perte de productivité.

Anonyme a dit…

C'est un beau roman, c'est une belle histoire. Presque poétique. Bien sûr, le français moyen est toujours content de voir que celui qui va plus vite que lui se fait "prendre", mais quand il s'agit de lui, c'est toujours injuste.
De même, il est toujours facile de prétendre que tout cela n'a qu'un but, la sécurité. Ca fait un peu récitation de poésie. Mais qu'en est-il vraiment? Comment peut-on prétendre que l'argent encaissé sert à compenser les coûts lié aux accidents? Ca se dit, mais je n'ai jamais entendu dire que les pompiers ou les hôpitaux aient reçu des subventions liées à cette "activité". Heureusement que la gendarmerie assure d'autres missions plus en rapport avec l'ordre public! Mais concernant les radars, il faudrait revoir cette fameuse notion de dangerosité concernant les secteurs où se trouvent les radars (fixes ou mobiles) pour être plus convaincant. Et même avec ça, il faudra aussi me prouver qu'il n'y a plus de passe-droits pour quiconque (non, l'automatisation ne suffit pas à le prouver). Et "quiconque" ne signifie pas forcément les "huiles".
Est-on sûr également qu'il n'y a pas de zones "blanches", de ces zones de non-droit?
Autant de choses qui font douter du discours, aussi noble soit-il.

Reserviste a dit…

Bonjour Anonyme,

Le doute nourrit l'intelligence. Je ne peux que vous encourager à entretenir vos doutes, à poser des questions, à vous interroger sur le bien fondé de ces méthodes.

J'ai été hospitalisé et connu le fauteuil roulant à la suite d'un accident de la circulation routière. J'ai mis toute mon énergie à récupérer ma mobilité et mon aptitude physique pour rester dans la réserve de la gendarmerie. Je suis du genre coriace.

J'ai vu, dans l'unité médicale où j'ai été soigné, des personnes mutilées et handicapées dont la vie est gâchée par l'inconscience d'un conducteur qui, le plus souvent, s'en tire avec quelques égratignures.

Vous comprendrez que votre discours, je l'entends, je le comprends mais je ne le défends pas.

Des associations de familles victimes d'accidents de la route ont réussi à se faire entendre pour réclamer plus de justice sur la route et plus de sanction des délits routiers.

Quant aux arrangements, lisez ce qui suit.

J'ai commis par étourderie une infraction au code de la route, et une équipe de la Police Nationale faisait un contrôle à ce moment précis. J'ai perdu des points et payé une amende. A aucun moment je n'ai sorti ma carte de réserviste, fait état de ma qualité de gendarme de réserve, et je n'ai contesté l'amende.

Quand on est gendarme, même de réserve, on doit aller au bout de sa logique. Je ne peux pas, d'un côté, rédiger un blog où je défends la sécurité routière; et de l'autre, "faire sauter mes prunes".

Je regrette d'avoir perdu des points et payé une amende alors que je ne constituais pas un danger public (je n'ai ni franchi feu rouge ni dépassé la limite de vitesse), mais c'est la vie.

Même si le policier se sentait presque gêné de verbaliser le conducteur d'un véhicule impeccablement entretenu et bien assuré, à aucun moment je n'ai cherché à esquiver. J'ai payé mon amende et perdu des points comme il se doit.

Au poste de police, la préposée a oublié de me faire remplir mon numéro de permis sur la carte pour que le retrait de points soit effectif. Je lui ai rappelé qu'elle devait le faire. Elle m'a regardé, médusée. Pourtant, c'est la règle, et je tiens à ce qu'elle soit appliquée.

Vous pouvez me trouver noble ou idiot, mais j'ai ma conscience pour moi.

Bien à vous,
Réserviste

Anonyme a dit…

bonjour, l'article montre bien le bourrage de crâne exercé dans ce milieu, la Défense. Les flics ont des objectifs et doivent remplir un certain nombre pour ne pas faillir à la politique nationale qui souhaite de l'argent et une répression active. Un flic au bord de la route pourrait près des écoles arrêter les chauffards, faire de la pédagogie et se rendre sympa auprès de la population. Vous avez choisi l'impopularité. Grand bien vous fasse !
Cordialement

Reserviste a dit…

Bonjour Patrick,

Vous avez eu envie de vous exprimer, et vous avez choisi de laisser un commentaire sur mon blog. Je vous remercie de votre confiance.

Le devoir de réserve m'oblige à rester muet même si j'ai envie de vous répondre.

Je pense toutefois que si vous souhaitez être entendu, vous devriez vous exprimer ailleurs que sur mon blog.

Prenez votre plus belle plume et écrivez votre façon de penser à votre député, à votre préfet, au ministre de l'Intérieur, ou au Président de la République. Pour le prix d'une enveloppe et d'un timbre, vous parviendrez certainement mieux à toucher les élus ou les représentants de l'Etat, qu'en choisissant mon blog pour déposer vos réactions.

Merci à vous. N'oubliez pas que 99% du temps, je suis en civil et je suis comme vous : pas moins de droits, et pas plus.

Revêtir l'uniforme et suivre les gendarmes en opération pendant une journée vous ferait peut-être du bien et vous montrerait l'autre côté de la chose.

Faites comme moi : devenez réserviste.

Anonyme a dit…

Bonjour, tout d'abord je tiens à vous dire que votre blog est très intéressant, et m'a permis de me préparer à ma future PMG (dans deux semaines, j'avoue que j'étais un peu nerveux tout de même !).

Concernant la sécurité routière, il semble que le bourrage de crâne fonctionne aussi dans le sens inverse, et alimente ainsi les théories du complot type "ça n'est qu'une histoire d'argent...". Je crois qu'on peut difficilement nier le gain en terme de sécurité quand on entend dire qu'une augmentation de X km/h de la vitesse limite entrainera directement une augmentation de Y % des décès par accident de la route... Quant à votre attitude par rapport à votre infraction, je la trouve très noble et elle ne fait que prouver que les gendarmes sont des gens de valeur qui croient en leur mission et ne sont pas que des "cowboys".

" Parce qu'être réserviste, c'est être gendarme par passion... "

Bonne continuation !

Reserviste a dit…

Bonjour cher "futur" "ex" camarade réserviste :-)

Je dis futur car tu seras bientôt des nôtres si tu fais ta PMG dans 2 semaines.

Je dis "ex" car j'ai quitté la réserve gendarmerie pour une autre arme, mais je garde beaucoup de liens de coeur avec les bleus.

Ton commentaire m'a permis de relire mon article (et les commentaires d'il y a 3 ans), je ne me rappelais plus que j'avais écrit et répondu comme je l'ai fait. Relire cela 3 ans après, ç'est très intéressant.

Je te souhaite une excellente PMG et je suis sûr que tu te régaleras comme je me suis régalé, car si tu as le profil militaire, la fibre de l'honnêteté et les qualités personnelles, tu seras apprécié de tes instructeurs et je te souhaite beaucoup de belles missions.

Bien amicalement,
Réserviste

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